On dirait qu’il y a une révolution en Catalogne

Captain Harlock
Démocratie Participative
19 octobre 2019

 

La Catalogne est à nouveau en crise. Les médias essaient de résumer la chose à quelques violences de rue, mais ce n’est plus plausible après les manifestations de masse d’hier.

Les médias ne sont d’ailleurs pas mieux vus en Catalogne qu’en France.

Il y a aussi des affrontements de rue particulièrement violents.

L’État Espagnol a semble-t-il ignoré le rapport de force, à la fois numérique et psychologique.

Madrid a interprété le silence de l’UE comme un feu vert pour recourir à la répression dure.

C’est une erreur. L’Espagne avait placé dans une impasse politique les indépendantistes. En voulant mettre en scène sa puissance avec ces peines de prison ultra-médiatisées, Madrid a donné un vrai levier moral aux séparatistes pour mobiliser les Catalans.

Et c’est ce qui se passe.

C’était ce qui s’est déjà passé avec les Irlandais en 1916 alors que les indépendantistes étaient minoritaires dans l’opinion. Les Anglais avaient interprété cet isolement comme un feu vert pour écraser violemment les nationalistes irlandais. Cinq ans plus tard, l’Irlande était indépendante.

Au bout d’un moment, si ça continue, l’Espagne sera obligée d’envoyer l’armée appuyer la police. Aucun gouvernement européen ne pourra longtemps soutenir un tel mouvement sans risquer gros lui-même. Pour une raison simple : les opposants de autres pays de l’UE en tireraient comme conclusion que leur propre gouvernement est prêt à déployer l’armée contre eux.

Y compris en France.

Notez bien que je ne me plains pas sur le principe d’utiliser l’armée face à une insurrection. Tout dépend du contexte politique et des intérêts que l’armée sert tout comme des buts de l’insurrection et des chances de succès d’une telle décision.

J’imagine que le gouvernement français étudie de près la façon dont s’y prend le gouvernement espagnol contre ces larges mouvements de masse organisés clandestinement via Telegram.

L’Express :

C’est une structure opaque et clandestine, dont on ne connaît ni l’origine, ni les leaders. Pourtant, le mouvement indépendantiste Tsunami Democràtic a tout d’une déferlante. Formé sur les réseaux sociaux au début du mois de septembre, le collectif a réussi un pari fou : réunir, de manière anonyme et en quelques semaines, des milliers d’indépendantistes catalans autour d’une cause commune: la dénonciation de la condamnation par la Cour Suprême espagnole, le 14 octobre dernier, de neuf dirigeants séparatistes, dont les peines vont de neuf à treize ans de prison. Leurs moyens de pression ? Des actions coup de poing qui déroutent les forces de l’ordre.

Sur Twitter, principal support de communication de Tsunami Democràtic, le mouvement défend « l’ironie, la créativité et la diversité », prônant une « campagne constante, continue et inépuisable », alimentée par les milliers de manifestants dispersés dans toute l’Espagne. « Avec la non-violence et la désobéissance civile comme armes, passons à l’attaque. Le tsunami, c’est toi », conclut le premier communiqué du collectif, publié le 2 septembre dernier.

Dans la foulée, une vidéo est publiée sur Twitter et sur un groupe de discussion de la messagerie cryptée Telegram, créé en août. Une casserole d’eau posée sur le feu commence à bouillir, tandis qu’un message écrit en catalan apparaît : « Canviem l’estat de les coses » (Changeons l’état des choses, NDLR). Un peu plus d’un mois plus tard, le 14 octobre, 150 000 personnes avaient rejoint la boucle de messages. Depuis lundi, le nombre de participants a plus que doublé : ce vendredi, 330 000 personnes ont rejoint le groupe, prêtes à intervenir « sur tous les fronts », et répondant à la métaphore de « la vague prête à s’abattre » face à « la répression de l’État espagnol ».

Car le tsunami a bien eu lieu. Lundi 14 octobre, jour de l’annonce de la condamnation des neuf dirigeants séparatistes catalans, le mouvement s’est mis en marche. Sa première action a été rapide, organisée et impressionnante, coupant l’herbe sous le pied des forces de l’ordre. Une dizaine de milliers de manifestants se sont réunis à l’aéroport El Prat de Barcelone, pour protester contre le verdict de la Cour Suprême espagnole. « Tothom a l’aeroport » (Tous à l’aéroport, NDLR), pouvait-on lire sur la messagerie Telegram. Comme le relate Mediapart, la veille, Tsunami Democràtic avait tiré la sonnette d’alarme : « Demain, soyez tous prêts ! La réponse à la sentence sera immédiate ! ». Le collectif a tenu ses promesses : pendant plusieurs heures, plus de 10 000 personnes ont bloqué l’accès à l’aéroport de la métropole catalane, y accédant par de faux billets d’avion créés par Tsunami Democràtic. Résultat : 110 vols annulés, tandis que 115 personnes ont été blessées lors de tensions avec la police.

« Cela ne fait que commencer. Nous devons nous préparer pour ce qui va venir et faire en sorte que le tsunami démocratique ne puisse pas être arrêté », se réjouissait le collectif sur les réseaux sociaux lundi soir. « Faisons de la Catalogne un nouveau Hongkong! » déclaraient de leur côté de nombreux séparatistes sur Twitter. Un vent de révolte loin de plaire aux autorités espagnoles, qui cherchent à trouver les responsables de ces manifestations. « Il y a une enquête. […] Je ne doute pas du fait que nous finirons par savoir qui est derrière le mouvement », a annoncé le ministre de l’Intérieur espagnol Fernando Grande-Marlaska, lors d’une interview accordée à la radio publique locale.

Mais les forces de l’ordre pourraient bien avoir du mal à retrouver les leaders de Tsunami Democràtic. Le succès du mouvement réside notamment dans le fait qu’il n’ait pas de figure emblématique et soit verrouillé de toutes parts. Outre les affiches placardées un peu partout dans les rues, et les messages publiés sur Twitter et Telegram, le collectif a créé, lundi dernier, une application pour mobiles. Pour y accéder, un QR code est nécessaire, et ce dernier ne peut être qu’envoyé par un membre déjà inscrit sur l’application… Un processus digne d’un roman policier qui permet de « valider les nouveaux arrivants », censés appartenir à « un cercle de confiance », selon la plateforme.

Pour communiquer sur son projet, le groupe a néanmoins diffusé une nouvelle vidéo, lundi soir. Sur Twitter, Tsunami Democràtic s’est choisi un ambassadeur de choix : l’entraîneur de Manchester City Pep Guardiola, indépendantiste catalan convaincu.

« Ce combat non violent continuera jusqu’à ce que la répression cesse et que le droit à l’autodétermination soit respecté, comme au Québec et en Écosse », déclare-t-il dans une vidéo de deux minutes. Mais mis à part ce célèbre ambassadeur, impossible pour l’instant de savoir qui se cache derrière le mouvement.

Vendredi soir, la justice espagnole a ouvert une enquête à l’encontre de la mystérieuse organisation. L’investigation, effectuée par l’Audience nationale, un haut tribunal madrilène, porte sur des soupçons de « terrorisme », a précisé une source judiciaire à l’AFP.

C’est le point faible du système utilisé : le mot magique de « terrorisme » permet de déclencher l’arsenal législatif d’exception dans toute l’UE.

Les serveurs de Telegram conservant un certain nombre de données, cette application sera bientôt contrainte de livrer le contenu.

Ce qui est sûr, c’est que le système qui soutient les troubles à Hong Kong ne veut pas en voir en Europe.