Catholicisme et négritude : une grande histoire d’amour

Gimli
Démocratie Participative
13 août 2017

 

Aujourd’hui, j’ai une petite histoire à vous raconter. Elle raconte les aventures d’un sympathique catholique français et de son compère de la diversité. Bon, par contre, ne la racontez pas à vos enfants de moins de dix ans. Quoique, de toutes façons, bientôt ils auront l’équivalent en direct devant leurs yeux ; allez, faites comme vous le sentez.

Les aventures de Super-catho et de son ami le nègre crépu.

Il était une fois un brave catholique français d’origine bretonne, entretenant sa femme avec son emploi d’avocat au barreau de Paris. Sa femme travaillait également, mais il est vrai qu’un salaire de professeur d’Histoire ne permettait pas d’avoir un train de vie assez soutenu pour satisfaire aux velléités mondaines des sorties de messe ; elle l’avait donc épousé et avait consenti à lui faire quatre enfants.

Par un chaud matin d’été, de bonne heure, il eut la surprise d’entendre retentir la sonnette de son appartement, un duplex de 220 mètres carrés au troisième et dernier étage d’un bel immeuble du 16ème arrondissement de Paris. Très étonné, il se dirigea vers l’interphone. « C’est étrange », pensa-t-il. « La femme de ménage est déjà venue hier. Qui cela peut-il bien être ? » Comme vous pouvez le voir, il n’avait pas l’habitude d’être dérangé dans ses habitudes. Ne vous inquiétez pas, cela allait changer très peu de temps après.

Après avoir traversé un salon de réception – sans oublier de rajuster son peignoir et son brushing à l’aide du miroir au-dessus de la cheminée, tout en admirant les moulures du plafond d’un œil à la distraite satisfaction – il arriva dans le couloir, s’approcha de la porte d’entrée, décrocha l’interphone et mit le combiné sur son oreille.

« Qui est-là ?

– Bonjour missié, toi ouvrir la porte ?
– Euh, excusez-moi, qui êtes-vous ?
– Moi s’appelle Boubacar missié.
– Boubaquoi ?
– Boubacar, missié. Très très malheureux, beaucoup faim. Toi donner à manger à moi ? Femme et enfants, femme et enfants, moi avoir. Eux très malades.
– Bon attendez, je vous ouvre. »

Il ne le savait pas encore, mais sa vie allait changer à jamais. Voyez-vous, sa sensibilité avait été émoustillée par la voix chaleureuse aux accents exotiques de la créature qui avait sonné chez lui. Il s’imaginait un grand guerrier massaï, mesurant un mètre quatre-vingt-dix, les muscles saillants sous la peau, la démarche élancée et le port de tête altier, digne de la noblesse de ses ancêtres africains qui avaient sans nul doute été rois avant que les blancs n’aillent leur voler leur terre et détruire les pyramides qu’ils n’avaient pas manqué de construire. Il s’empêcha de penser à une certaine partie de l’anatomie de ce surhomme, car c’était une zone à la pureté morale douteuse. Il l’imagina toutefois, subrepticement, et se la représenta fort bien fournie. Pour cesser d’y penser, il se justifia en se disant qu’il avait quand même un devoir moral d’accueillir ce pauvre malheureux et sa famille. Après tout, Monsieur le Curé leur avait dit que le Christ demandant d’accueillir les réfugiés, et que le Christ était en eux. Par ailleurs, ne venons-nous pas tous d’Afrique ?

C’est donc d’humeur tant joyeuse que déterminée qu’il appuya sur le bouton qui commandait l’ouverture de la porte cochère ; puis il ouvrit la porte de son appartement, se tint dans l’encadrement, et attendit que son hôte improvisé monte par l’ascenseur. Accomplir son devoir de bon chrétien le remplissait de joie.

Quelques minutes plus tard, il commença à s’inquiéter de ne rien voir monter. L’ascenseur n’avait toujours pas bougé, à en juger par le voyant lumineux qui indiquait l’étage auquel il se trouvait. Peut-être était-il en panne. Après quelques minutes supplémentaires, il entendit du bruit, ainsi que quelques cris étouffés qui provenait des étages inférieurs. Cela l’inquiéta au plus haut point, car il sentait qu’il lui fallait descendre s’il voulait voir ce que c’était. Et voir ce que c’était, il le voulait, car il était assez préoccupé par le sort de celui à qui il avait ouvert la porte. Et s’il lui était arrivé malheur ?

Malgré son peignoir, il se décida à descendre sans plus de cérémonie pour lui venir en aide. « De toutes façons, les prolétaires qui habitent plus bas s’habillent très mal, à la limite de la décence, alors je peux bien me permettre de descendre comme ça », pensa-t-il. Il appuya donc sur le bouton de l’ascenseur, l’attendit, monta dedans et appuya sur le bouton du ré-de-chaussée. Une poignée de secondes plus tard, il sortait de l’ascenseur. La scène qu’il contempla fit manquer un battement à son cœur, pourtant empli de charité.

La cour intérieure était dans un état dont il ne soupçonnait pas qu’il fût possible de provoquer un dixième de ce qui s’offrait à ses yeux ébahis. La voiture du concierge, garée sur le côté droit, avait les vitres brisées et les jantes arrachées, ainsi que les pneus crevés ; un rapide examen du regard lui apprit que l’auto-radio manquait à l’appel Un réfrigérateur s’était écrasé sur son toit. Une drôle d’odeur venant d’un massif d’hortensias guida son regard vers un amas de mouches vertes qui bourdonnaient autour d’un tas de matière de bonne taille à la couleur brune et à l’aspect glaiseux. La porte de la loge du concierge était arrachée à ses gonds et gisait sur le sol, les quatre carreaux cassés. Notre ami se dirigea vers la loge, à pas hésitants, se penchant en avant pour vérifier si quelque chose clochait, tout en couvrant son nez pour masquer l’odeur de la merde. Celle-ci se mêla bientôt à celle du sang, dont il découvrit la source à l’intérieur de la loge. Le concierge gisait là, égorgé. C’en était trop pour notre brave homme, qui pencha la tête en avant pour vomir à même le sol, s’appuyant d’une main chancelante sur le chambranle de la porte. Paniqué, notre ami s’enfuit en courant, se prenant les pieds dans la ceinture de son peignoir, vers la porte de l’ascenseur, dans lequel il rentra en se vautrant au sol. Qu’avait-il bien pu se passer ? Qui avait tué monsieur Da Silva ? Boubakar était-il lui aussi en danger ? Et sa famille ? Tout ceci était horriblement effrayant, et il avait très envie de remonter chez lui pour appeler la police. Cependant, son esprit de charité le poussait à continuer son exploration des étages inférieurs de l’immeuble. Après tout, celui qui était si bravement venu lui demander de l’aide était-il peut-être en danger imminent. L’esprit chevaleresque de ses ancêtres le poussa donc à appuyer sur le bouton du premier étage, puis à rattacher son peignoir. Il se rendit ensuite compte qu’il n’avait pas d’épée ; mais c’était trop tard pour reculer.

Arrivé au premier étage, son sang, précédemment réchauffé par l’expectative d’une bataille, se glaça. Le tapis blanc du palier était tâché d’un liquide jaunâtre qui s’écoulait de la soucoupe d’un ficus décoratif, dont le pot était fendu. La porte de l’appartement de mademoiselle Girard, la jeune et charmante locataire du premier, était enfoncée. Il se précipita à l’intérieur. C’était sûrement là que le brave africain et sa famille avaient trouvé refuge ; mais à en juger par l’aspect de la porte, leur agresseur les avait sans doute suivis. Il prit le temps de penser à ce que pouvait bien être cet agresseur : « sans doute un skinhead des Halles », songea-t-il. « Un sale raciste qui ira brûler en Enfer ! » Puis il arriva dans le petit salon de l’appartement. Celui-ci avait été fort mal meublé d’une bibliothèque en contreplaqué qui avait contenu quelques livres, ainsi que d’une table en formica avec un petit napperon et un vase de roses. Une paire de chaises complétait habituellement le décor, ainsi qu’une télévision posée sur un guéridon. Pour l’heure, la bibliothèque avait vomi ses livres sur le parquet, la table était fendue, une chaise était renversée et l’autre avait un pied passé en travers de l’écran de la télévision, dont s’échappaient quelques étincelles. L’horreur laissa la place à l’esprit du chevalier lorsque notre ami entendit quelques sanglots venant de la chambre mitoyenne. Il s’y précipita, et découvrit mademoiselle Girard assise sur le sol, les vêtements arrachés, un peu de sang sur les mains et le long des cuisses. Elle pleurait à chaudes larmes, la tête entre les coudes. Éberlué, notre ami lui demanda :

« Qu’est-ce qui s’est passé ici ?
– Ils m’ont violée ! Appelez la police !
– Qui ça ? Qui a fait ça ?
– Je ne sais pas, une bande de… Enfin, ils étaient une douzaine et ils avaient un fort accent.

Sans doute l’accent de la banlieue est, ou alors l’argomuche que ces sauvages de néo-nazis parlaient parfois.

« Ne vous inquiétez pas, je m’occupe de tout. Commencez par vous couvrir quelque peu, un peu de décence.
– Vous en avez de bonnes, vous ! »

Elle n’était sans doute pas catholique, et ne se rendait pas compte que la nudité était impure. Il ne s’en formalisa pas : il dirait une dizaine de chapelet pour l’âme de la malheureuse. Il sortit en trombe de l’appartement après avoir vérifié dans la salle de bains si son africain ne s’y trouvait pas. Ne l’y voyant pas, il était désormais très inquiet. Montant dans l’ascenseur, il appuya sur le bouton du deuxième étage.

À l’arrivée, une odeur musquée, qu’il sentait de manière diffuse depuis le début de son périple, lui sauta à la gorge. Il ne l’avait pas remarquée plus tôt parce qu’elle avait été masquée par les odeurs des différentes sécrétions corporelles qu’il avait croisées jusque là, mais elle était maintenant indéniablement présente, et elle était putride. Outre ce nouvel élément, un décor fort similaire au précédent l’attendait : la porte de l’appartement de la famille Richaud était également défoncée. Il entra, et la scène de carnage qu’il vit le fit frémir d’effroi. Un enfant blond gisait dans une mare de sang devant ses pieds, au beau milieu du couloir de l’entrée, la tête fendue, un jouet à la main. « On dirait le petit Aylan », pensa notre ami, dont la moralité était décidément sans faille. Un peu plus loin, une commode était éventrée, et quelques bijoux étaient répandus au sol ; la plupart avaient sans doute été emportés dans l’assaut. Les placards de la cuisine étaient saccagés et le réfrigérateur avait été jeté par la fenêtre, ce qui expliquait sa présence sur la voiture du concierge. Le salon était en lambeaux, le cadavre du père gisant au milieu, allongé sur le dos, une machette plantée dans la poitrine et une jambe coupée, laquelle était introuvable. Il avait un fusil à la main, qu’il n’avait manifestement pas eu le temps d’utiliser. « Je me demande si la légitime défense s’applique… Sinon, il pourrait avoir des ennuis avec cette arme ! » songea notre ami, qui était, je vous le rappelle, avocat. En continuant son exploration, il tomba sur le cadavre de la mère, complètement nue, au milieu de la salle de bains. Sa tête manquait à l’appel, et ses intestins étaient répandus au sol. Une odeur d’excréments fit vomir notre ami, pour la deuxième fois de la journée. Il quitta l’appartement, n’y ayant toujours pas trouvé l’africain et sa famille.

Il eut soudain un sursaut, et une sueur froide lui coula dans le dos. Le prochain étage était le sien. La bande de skinheads devait être chez lui ! Paniqué, il se précipita dans l’escalier pour gravir les marches qui le séparaient de son appartement. Il trouva sa porte ouverte, comme il l’avait laissée ; à l’intérieur, une scène de désolation le fit vaciller sur ses pieds déjà tremblants d’avoir gravi l’étage sans utiliser l’ascenseur. Il se sentit défaillir. Puis il entendit une voix, juste derrière lui. Il se retourna, et fit face à un être dont il se demanda ce que c’était. Ses dents brillaient dans l’obscurité, et ses yeux jaunis luisaient d’une lueur mauvaise. L’odeur musquée venait manifestement de lui. Notre pauvre héros n’eût pas le temps d’en apprendre plus : une machette mal aiguisée lui traversa l’abdomen de part en part, tandis qu’une autre détachait sa tête du reste de son corps.

« Boubacar très fort !
– Merci Mamadou. Moi penser que lui bon, avoir bon gras dans le ventre.
– Mettre lui dans la marmite ! »

Contrairement à notre pauvre ami, qui finissait désormais son trajet sur Terre au fond d’une marmite, entre les cadavres dépecés de sa femme et de ses enfants, accompagnés de la jambe de monsieur Richaud et de la tête de sa femme, le tout disposé sur un feu allumé avec les planches du parquet et les meubles Louis XVI, vous l’aurez compris : il n’y avait pas de bande de skinheads. En réalité, voici ce qui s’était passé. Notre ami, dans sa grande mansuétude, n’écoutant que son cœur et la charité chrétienne, avait ouvert la porte de son immeuble à un nègre au physique de gobelin, accompagné d’une bande de douze autres nègres dont les statures allaient de celle du pygmée à celle du troll des cavernes. Tous avaient une faim dévorante de femmes et de chair humaine. Deux d’entre eux avaient une pressante envie de déféquer, qu’ils avaient satisfaite de concert dans le massif d’hortensias. L’un d’entre eux avait eu une forte envie d’uriner sur le palier du premier étage, après avoir sauvagement égorgé le concierge, et s’était satisfait dans le ficus, avant d’en frapper le pot avec sa machette car celui-ci lui avait chatouillé le scrotum pendant qu’il se soulageait. Ils avaient violé mademoiselle Girard, puis avaient dévasté son appartement, avant de monter au deuxième, où ils avaient massacré la famille Richaud sans oublié de prélever de quoi commencer à se sustenter, ainsi que quelques bijoux. Pendant que notre ami suivait leur trace depuis le bas, ils avaient atteint le troisième étage, chargés de vivres et de richesses, avaient fracturé la porte, tué ses enfants, violé sa femme avant de la tuer elle aussi, et avaient mis tout ce beau monde dans une marmite au milieu de ce qui avait été le salon, sur un feu de bois. Entendant remonter notre ami paniqué, ils l’avaient tué lui aussi. Ils se préparaient désormais à un festin d’anthologie, satisfaisant ainsi les coutumes de leurs ancêtres.

On peut toutefois noter que notre ami avait finalement accompli ce qu’il désirait : nourrir l’Afrique et les pauvres malheureux qui la peuplaient, conformément à l’enseignement de sa sainte mère l’Église. Par contre, il ne satisfaisait pas précisément les coutumes de ses ancêtres à lui.