Après 5 ans d’enquête, la police rend un rapport désastreux sur le détournement des fonds européens par Marine Le Pen

Captain Harlock
Démocratie Participative
16 mai 2021

Ce truc va très mal tourner pour Marine Le Pen.

Mais Macron n’utilisera pas cette cartouche en 2022, il a besoin de l’épouvantail fasciste pour organiser le front républicain au second tour.

Le Journal Du Dimanche :

Au bout de cinq années d’enquête, la conclusion est accablante : selon les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), le Rassemblement national (RN) a « par l’intermédiaire de ses cadres et dirigeants, mis en place un système organisé frauduleux de détournement des fonds européens à son profit, par le biais d’emplois fictifs d’assistants parlementaires ». Ces mots figurent dans un rapport de synthèse de 98 pages daté du 15 février et adressé à la juge d’instruction parisienne Claire Thépaut.

Les enquêteurs y résument leurs recherches (perquisitions, expertises, interrogatoires, documents) et estiment avoir découvert assez d’éléments probants pour que 17 dirigeants, élus et proches du parti ­d’extrême droite soient poursuivis pour « détournement de fonds publics » ou recel de ce délit – l’instruction visant aussi le soupçon d' »escroquerie en bande organisée ». Au cœur de l’affaire : la prise en charge sur les fonds du Parlement européen de collaborateurs dissimulés sous le statut d' »assistant parlementaire » alors que leurs activités ne profitaient qu’au RN. Un montant total de 6,8 millions d’euros aurait ainsi abusivement profité au parti de Marine Le Pen, mise en examen et désignée comme l’instigatrice et la bénéficiaire de ce système.

Si elle remonte à l’époque où le FN était encore dirigé par son père, l’organisation mise au jour par l’enquête semble avoir pris toute son ampleur sous la présidence de Marine Le Pen, au lendemain des élections européennes de 2014. Le succès du parti lui avait alors permis d’obtenir 24 sièges au Parlement de Bruxelles et Strasbourg. Très vite, la gestion des crédits alloués aux élus pour recruter des collaborateurs a été centralisée. Selon le témoignage d’une ancienne eurodéputée du FN, Sophie Montel, une réunion fut convoquée le 4 juin 2014 dans la capitale belge. Marine Le Pen annonça ce jour-là aux nouveaux élus qu’ils ne seraient pas tenus de reverser une partie de leur indemnité parlementaire au parti, mais qu’ils ne pourraient employer qu’un seul assistant pour les épauler dans leurs tâches ; les autres collaborateurs seraient choisis par elle et affectés au parti.

Un de ses proches, le Belge Charles Van Houtte, est chargé de la mise en œuvre du système. « Il ressort des investigations, écrivent les policiers, qu’il faisait remplir des procurations aux députés FN lui permettant ainsi d’avoir accès aux données administratives et financières des enveloppes budgétaires des députés européens. » Sous l’égide de Marine Le Pen, dotée d’un droit de regard sur le montant des salaires des personnes recrutées, Van Houtte, petit-fils de Ghislain Van Houtte, catholique intégriste proche du chef du mouvement rexiste Léon Degrelle, allié à Hitler en 1941, fait des propositions d’embauche aux eurodéputés, jongle avec les noms et les postes. Il élabore des tableaux – que la police a retrouvés – pour suivre la consommation des crédits par chaque député afin de déterminer sur quelles enveloppes les assistants peuvent être rémunérés.

Triste.

Le rexisme méritait mieux que Marine Le Pen.

Pas un centime ne doit être perdu. Dans cette optique, il arrive que l’on fasse signer à des collaborateurs des contrats pour vingt-quatre heures, quand des crédits sont encore disponibles mais que la date limite pour les dépenser approche. Élue locale du FN, secrétaire au cabinet de Jean-Marie Le Pen, Micheline Bruna fut ainsi présentée comme assistante parlementaire pour une journée de l’ex-dirigeant du parti Carl Lang puis de Marine Le Pen elle-même, après avoir été celle de Jean-Marie Le Pen entre 2012 et 2015. Interrogé sur ce point, le fondateur du FN s’est montré incapable de fournir un seul justificatif du travail de cette collaboratrice pour le Parlement européen.

Non seulement les fonds publics européens servaient à payer des collaborateurs dévoués au parti, mais certains bénéficiaires semblent avoir cumulé indûment les contrats. Le rapport cite de nombreux exemples, dont celui de Thierry Légier. Figure discrète et ancienne du parti, l’homme a assuré la protection rapprochée de Jean-Marie Le Pen de 1992 à 2011, avant de devenir le garde du corps de sa fille, dès son accession à la tête du FN.

« Thierry Légier a bénéficié de plusieurs contrats d’assistant parlementaire des députés Fernand Le Rachinel, Carl Lang, Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen, relèvent les enquêteurs. Pourtant, aucun élément ne permettait d’établir qu’il avait eu d’autres fonctions que celles de garde du corps […] D’ailleurs ni dans sa biographie ni dans ses CV il ne faisait référence à ses emplois en tant qu’assistant parlementaire. »

Entre le 1er octobre et le 31 décembre 2011, il a disposé simultanément d’un contrat d’assistant local à temps partiel (85 heures par mois) de Marine Le Pen, pour un salaire de 9 078,88 euros brut, et d’un CDD auprès du Comité Marine Le Pen 2012, créé pour la campagne présidentielle, en qualité d’agent de protection. Le rapport précise que la présidente du RN a été questionnée sur ce point par l’organisme interne de contrôle de l’Assemblée européenne. Elle avait déclaré « que les bulletins de salaire établis sur la période d’octobre à décembre 2011 pour un montant de 41 554 euros n’ont jamais été payés au bénéficiaire indiqué, M. Légier, et que d’autre part elle n’avait pas employé M. Légier pendant ces trois mois ». « L’objet de cette opération aurait été d’obtenir du Parlement la régularisation des dépenses de salaires et charges antérieures qui n’avaient pas été payées », estiment les policiers.

Autre cas litigieux : sur l’organigramme publié par le FN en février 2015, Guillaume L’Huillier apparaît au poste de directeur de cabinet du président d’honneur, Jean-Marie Le Pen. Mais il exerce alors la fonction d’assistant ­parlementaire local de l’eurodéputé Bruno Gollnisch, pour un salaire brut de 3 700 euros. Quelles ont été ses missions auprès de l’ex-bras droit de Jean-Marie Le Pen ? Interrogé par la juge d’instruction, le collaborateur en question s’est dit « incapable de fournir des éléments concrets matérialisant son travail d’assistant parlementaire auprès de Bruno Gollnisch, prétextant avoir changé d’ordinateur et n’avoir rien gardé ».

Devant les policiers, Gollnisch a soutenu qu’il communiquait « par téléphone » avec son assistant. Mais l’examen du portable de L’Huillier a révélé qu’il n’avait échangé aucun appel ni aucun SMS avec le député pendant les périodes où il était censé travailler à plein temps pour son compte. En revanche, 10 000 textos retrouvés dans la mémoire d’un ordinateur témoignent d’une activité professionnelle intense auprès de Jean-Marie Le Pen, qu’il appelait « prez » ou « chef ». Confronté à cette contradiction, Guillaume L’Huillier a simplement répondu : « Je suis étonné. »

Nombre de dépositions évoquées dans le rapport concourent à présenter Marine Le Pen comme la responsable directe du « système frauduleux » dénoncé par la police. Micheline Bruna a assuré aux enquêteurs que Charles Van Houtte, cheville ouvrière du montage, n’était qu’un exécutant : « Ce n’est pas lui qui le fait, il a dû avoir des directives, je pense que ça vient de Marine Le Pen. » Selon le document, la même assistante a « confirmé que [la présidente du RN] décidait quel assistant était imputé au budget de quel député », ce qui revient à en faire la grande ordonnatrice du montage controversé.

Face aux enquêteurs, Charles Van Houtte a corroboré la tenue de réunions régulières en présence de Marine Le Pen, dont l’objet était le pilotage des contrats d’assistants parlementaires en cours d’exécution. À l’en croire, elle seule prenait la décision d’imputer le salaire d’un assistant sur l’enveloppe de tel ou tel député. « Vous connaissez Marine Le Pen, tout est très centralisé avec elle », a-t-il dit à la juge, allant jusqu’à préciser : « Je pense que le fait d’avoir accès aux financements européens consiste pour elle à faire une balance entre la dotation du FN par l’État français et la dotation du FN par le Parlement européen. Je veux dire qu’elle gère son parti en jouant sur les deux enveloppes. » Le problème est que le Parlement de Bruxelles considère que cette méthode relève du détournement – de procédure et de fonds.

« Cela a toujours été le fonctionnement, c’est eux [Jean-Marie puis Marine Le Pen] qui supervisaient l’utilisation des crédits », a pourtant renchéri le comptable du RN ­Christophe Moreau. Son collègue Nicolas Crochet, décrit par les policiers comme un ami de Marine Le Pen, a parlé d’un système « supervisé » par la présidente du RN.

Les découvertes policières dévoilent que les directives venues d’en haut ont inquiété les élus concernés, mis devant le fait accompli. En témoigne un échange d’e-mails daté du 22 juin 2014 entre l’eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser et le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just. « Ce que Marine nous demande équivaut [à ce] qu’on signe pour des emplois fictifs… et c’est le député qui est responsable pénalement sur ses deniers même si c’est le parti qui en est bénéficiaire », écrivait le premier. « Je comprends les raisons de Marine, ajoutait-il, mais on va se faire allumer car on regardera, c’est sûr, nos utilisations à la loupe avec un groupe si important. Je n’ai pas prévenu les autres du cadre légal car je créerais encore plus de bordel. » Réponse du trésorier, laconique mais lourde de sens : « Je crois bien que Marine sait tout cela…« 

Au long de leurs investigations, les enquêteurs se sont régulièrement heurtés à l’obstruction et à la dissimulation. Stratégie de défense concertée ? La plupart des collaborateurs visés ont affirmé avoir détruit leurs archives, changé d’ordinateur et en tout cas n’avoir conservé aucune pièce justifiant leur rémunération par le Parlement européen. Pour en confondre certains, les policiers sont allés jusqu’à examiner les bornages géographiques de leurs téléphones et les entrées et sorties recensées par le lecteur de badges au siège du RN…

Aux policiers, Van Houtte a confié que Marine Le Pen le faisait « venir dans son bureau à Bruxelles ou ­Strasbourg et ses instructions étaient toujours verbales ». L’un des comptables a raconté que, au sein de son cabinet, « les autres salariés n’étaient pas au courant de cette clientèle » et que son supérieur lui avait « donné pour instruction de n’en parler à personne et de ne rien laisser traîner ».

Van Houtte, soucieux d’échapper aux principales accusations, a néanmoins plaidé l’ignorance : « À la lumière de votre dossier, a-t-il déclaré aux policiers, je comprends qu’il y a eu un système d’emplois fictifs mis en place au préjudice du Parlement européen et qui a bénéficié au FN, mais au moment des faits je n’en avais pas conscience. On a voulu me donner un rôle qui n’est pas le mien. J’ai mis en place un outil de gestion efficace qui a été utilisé à mauvais escient. À ce titre j’ai pu être un facilitateur mais sans intention de détourner de l’argent […] Je ne me suis jamais dit que j’aidais à financer le Front national d’autant que tout était validé par le Parlement européen. »

Le contexte politique a cependant parfois bénéficié aux enquêteurs. Ainsi, plusieurs figures du RN en rupture de ban, tels les eurodéputés Aymeric Chauprade et Sophie Montel, ne se sont pas fait prier pour confirmer les soupçons. Conseiller de Marine Le Pen pour l’international, Chauprade a quitté le parti en 2015 sur un désaccord politique. Montel s’est retirée en 2017 après l’éviction de Florian Philippot, dont elle est proche, et a publié en 2019 un pamphlet intitulé Bal tragique au Front national – Trente ans au cœur du système Le Pen.

Interrogé sur le cas du député (RN) Bruno Bilde, qui figure parmi les assistants invisibles, le premier a confirmé le caractère « fictif » de son emploi « de manière certaine », précisant qu’en raison de ses « fonctions importantes de réflexion stratégique au sein du parti et auprès de Mme Marine Le Pen » il était « inconcevable qu’il ait pu être assistant ». Quant à Sophie Montel, c’est elle qui a relaté la fameuse réunion de juin 2014 où Marine Le Pen présenta aux élus de son groupe la méthode de prise en charge des assistants. « À ce moment-là, elle ne nous explique pas qu’il y a déjà une enquête du Parlement […] sur les assistants de Bruno Gollnisch, Jean-Marie Le Pen et elle-même, a-t-elle souligné sur procès-verbal. Nous n’étions pas au courant de cela. Moi, je ne trempe pas dans ce genre de choses, ce n’est pas ma conception de la politique. »

Devant la juge, le 5 septembre 2018, la présidente du RN a contesté toute fraude, revendiquant même la fausseté de l’organigramme de son parti par la nécessité de gérer « la guerre des ego » : « On met des gens avec des titres ronflants mais qui ne correspondent à aucune réalité. » Au sujet d’un des assistants désignés par l’enquête, elle a répondu : « Où est-il inscrit qu’un assistant européen doit justifier huit heures de travail par jour à son député européen ? Dans ce cas-là, vous allez avoir une quantité d’emplois fictifs. J’ai des tas de gens qui me font des notes. Y compris des hauts fonctionnaires au ministère de la Défense et ce n’est pas pour ça qu’il sont un emploi fictif. » À la lecture du rapport, tout indique que cette ligne de défense n’a pas convaincu.

Si Sarközy a pris de la prison ferme, Marine Le Pen prendra de la prison ferme. Elle n’ira jamais en prison à proprement parler mais elle sera durablement discréditée.

Accessoirement, elle sera déclarée inéligible pour quelques années, au moins pour l’empêcher de se présenter en 2027, ce qui repousserait une candidature à 2032. Personne n’aura jamais la patience d’attendre jusque là.

Gilles-William Goldnadel doit déjà préparer le putsch auquel il aspire depuis quelques années maintenant.

Quelle bonne idée que de tolérer des femmes en politique.

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