Le Libre Panzer
Démocratie Participative
24 avril 2018

 

La Nouvelle République :

Gueule d’ange et tenue décontractée, Mohamed, 42 ans, n’en est pas moins arrivé menotté entre deux agents d’escorte de l’administration pénitentiaire, mercredi après-midi. Il était jugé par le tribunal correctionnel de Poitiers pour une incroyable histoire de dépossession des économies d’un octogénaire entre 2014 et 2018.

C’était son voisin, Michel, 83 ans au début des faits, chez qui il avait trouvé refuge après une rupture conjugale. Au départ, le papy (absent de l’audience) avait, semble-t-il, répondu à un devoir de solidarité. Et puis, ça lui faisait de la compagnie. Avec sa mauvaise vue, il était loin de se douter que la confiance absolue accordée à Mohamed allait le déposséder de la quasi-totalité de ses économies. Comptes bancaires, assurance-vie… le prévenu a vidé, selon le parquet, pour près de 100.000 € !

Les gendarmes avaient été avisés par une nièce de la victime, elle-même alertée par le maire de Cuhon… Lui-même informé par une conseillère financière de la Banque postale qui avait trouvé curieux qu’un vieil homme dépense autant d’argent un peu partout en France. Certes, Mohamed l’aidait à faire ses courses, le transportait quand il en avait besoin. Il y aurait eu aussi une contrepartie sexuelle, selon le prévenu : « Il avait un penchant pour l’homosexualité, il avait un besoin sexuel avec moi… », a-t-il dit à la barre du tribunal. On n’en saura pas plus. De toute manière, ce n’était pas le fond du dossier : abus frauduleux et vol d’une personne vulnérable, falsification de chèque, escroquerie, faux et usage de faux…

« La victime n’avait pas du tout conscience que ses comptes avaient été vidés. Mais à la fin, il avait été obligé de manger des quignons de pains quand il n’avait plus le sou », a narré la présidente Valérie Rousseau. Un chèque de 15.000 € par ici « pour acheter un appartement » ; un autre, trois mois plus tard de 9.800 € : « La victime connaissait mes problèmes financiers, elle voulait m’aider. » Mais c’était lui qui inscrivait les montants sur les chèques.

« Et puis il y a tous ces retraits inexpliqués pour le quotidien de la victime », reprend la magistrate en citant des sommes conséquentes : 1.200 € ou 4.000 € d’un seul coup, voire 6.300 € retirés en espèces pour le seul mois d’août 2016… « Je consommais beaucoup de cannabis et je faisais appel à des agences pour assouvir mes besoins sexuels, explique Mohamed. Il jouait aussi au poker au casino ou multipliait les jeux de grattage.

« Ça fait beaucoup d’argent, tout ça… », s’interroge la présidente à voix haute. « Je m’engageais toujours à le rembourser mais il ne voulait pas, affirme Mohamed qui, plus lucide, finit par reconnaître : « Je vivais avec un argent qui n’était pas le mien. » Une Peugeot 307 avait même été achetée avec les économies du vieil homme. Elle avait été retrouvée lors de la cavale de Mohamed à Gonesse avec la carte d’identité de Michel et une kyrielle d’amendes de stationnement et d’excès de vitesse.

« Le train de vie que j’ai mené grâce à lui, je comptais le réparer, insiste le prévenu. Je ne peux que vous demander la clémence. »

L’avocate de la victime s’étouffe : « Il a dilapidé l’intégralité des économies de la vie d’un homme qui n’avait jamais rien dépensé. Et il n’a pas un regret. » Plus de 61.000 € sont demandés en réparation du préjudice matériel ; 10.000 € pour le préjudice moral.

La procureure, Clélia Virlogeux demande aux juges de « taper fort » : elle requiert 5 ans de prison ferme.
« Il faut voir l’apport humain et l’aide qu’il a apporté, tempère l’avocate de Mohamed. Oui, il a bénéficié de la générosité de la victime mais il voulait restituer. »

Mohamed a été reconnu coupable de l’ensemble des faits reprochés. Il a été condamné à 30 mois de prison, dont 20 avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans. Un temps où il aura obligation de se former, travailler et, surtout, d’indemniser Michel à hauteur de 58.771 € pour les sommes escroquées ; 2.500 € au titre du préjudice moral. Il a interdiction d’émettre des chèques pendant 3 ans et une peine d’éligibilité de 5 ans au-dessus de la tête.
Insatisfait de la condamnation, le parquet a fait appel de la décision.